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et qu’on peut regarder comme le berceau de la monarchie française[1]. Des sources du Rhin jusqu’à son embouchure, les conquêtes des Germains s’étendaient vers l’occident de cette rivière environ sur quarante milles de pays occupé par des colonies de leur nation et portant le même nom ; mais les pays qu’ils avaient dévastés étaient trois fois plus étendus que leurs conquêtes. Jusques à une distance beaucoup plus éloignée, toutes les villes ouvertes des Gaulois étaient désertes, et les habitans des villes fortes, qui, se confiant dans leurs remparts et leur vigilance, n’avaient pas abandonné leurs demeures, ne pouvaient plus recueillir de grain que sur les terres encloses dans l’enceinte de leurs murs. Les légions, diminuées, sans paye et sans vivres, sans armes et sans discipline, tremblaient à l’approche et même au seul nom des Barbares.

Conduite de Julien.

Ce fut dans ces temps malheureux qu’on choisit un jeune prince sans expérience pour délivrer et

  1. Le paradoxe du père Daniel, qui prétendait que les Francs n’avaient jamais obtenu d’établissement fixe sur ce côté-ci du Rhin avant le règne de Clovis, est refuté très-savamment, et avec beaucoup de bon sens, par M. Biet, qui a démontré par une longue suite d’autorités, que les Francs ont possédé sans interruption la Toxandrie pendant cent trente ans avant l’avénement de Clovis. La dissertation de M. Biet a été couronnée par l’Académie de Soissons, en 1736, et semble avoir été préférée, avec justice, au discours de son célèbre concurrent, l’abbé Le Bœuf, antiquaire dont le nom exprime assez heureusement le genre de talent.