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Les amis de Julien avaient prédit avec confiance le succès de son expédition. Ils espéraient que les dépouilles de l’Orient enrichiraient les temples des dieux ; que la Perse, réduite à l’humble état de province tributaire, serait gouvernée par les lois et les magistrats de Rome ; que les Barbares adopteraient l’habit, les mœurs et le langage du conquérant, et que la jeunesse d’Ecbatane et de Suse étudierait l’art de la rhétorique sous des maîtres grecs[1]. L’empereur avait pénétré si avant, qu’il avait perdu toute communication avec l’empire ; et du moment où il eut passé le Tigre, ses fidèles sujets ignorèrent sa destinée et sa fortune. Tandis que leur imagination calculait des triomphes chimériques, ils apprirent la triste nouvelle de sa mort, et ils continuèrent à la révoquer en doute, lors même qu’ils ne pouvaient plus la nier[2]. Les émissaires de Jovien répandirent que la paix avait été nécessaire, et qu’elle était sage ; la voix de la Renommée, plus forte et plus

    p. 365) et Zosime (l. III, p. 194) décrivent la retraite de Jovien.

  1. Libanius, orat. parent., c. 145, p. 366. Tels étaient les vœux et les espérances que devait naturellement former un rhéteur.
  2. Les habitans de Carrhes, ville dévouée au paganisme, enterrèrent sous un monceau de pierres le messager qui leur apporta cette nouvelle de funeste augure. (Zosime, l. III, p. 196.) Libanius, en l’apprenant, jeta les yeux sur son épée ; mais il se souvint que Platon condamne le suicide, et qu’il devait vivre pour composer le panégyrique de Julien. (Libanius, De vitâ suâ, t. II, p. 45, 46.)