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fidélité de ces généraux, dont il sollicitait l’instant d’auparavant la faveur et la protection. La meilleure recommandation de Jovien était le mérite de son père, le comte Varronien, qui jouissait, dans une glorieuse retraite, du fruit de ses longs services. Son fils, dans l’obscure indépendance d’une condition privée, s’était livré à son goût pour le vin et pour les femmes ; il s’était cependant montré avec courage comme chrétien[1] et comme soldat. Quoiqu’il ne possédât aucune de ces qualités brillantes qui excitent l’admiration et l’envie des hommes, sa figure agréable, la gaîté de son humeur, et la vivacité de son esprit, lui avaient acquis l’attachement de ses camarades ; et les généraux des deux partis consentirent d’autant plus volontiers à une élection approuvée de l’armée, qu’elle n’était point la suite des artifices du parti opposé à celui qu’ils soutenaient. L’orgueil de ce succès inattendu fut tempéré par la juste crainte qu’éprouva le nouvel empereur, de voir le même jour terminer sa vie et son règne. On obéit sans délai à la voix pressante de la nécessité, et les premiers ordres qu’il donna peu d’heures après la mort de son prédéces-

  1. Les historiens ecclésiastiques, Socrate (l. III, c. 22), Sozomène (l. VI, c. 3) et Théodoret (l. IV, c. 1), attribuent à Jovien le mérite d’un confesseur sous le règne précédent ; et leur piété va jusqu’à supposer qu’il n’accepta la pourpre que lorsque l’armée se fut écriée, d’une voix unanime, qu’elle était chrétienne. Ammien, qui continue tranquillement sa narration, renverse tout le récit de la légende par ces seuls mots : Hostiis pro Joviano extisque inspectis, pronunciatum est, etc., XXV, 6.