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m’abandonnent ; je ne puis plus vous parler. — Quant à l’élection d’un empereur, je n’ai garde de prévenir votre choix ; le mien pourrait mal tomber, et perdrait peut-être, si on ne le suivait pas, celui que j’aurais désigné. Mais en bon citoyen, je souhaite d’être remplacé par un digne successeur. » Après ce discours, prononcé d’une voix douce et ferme, il disposa, dans un testament militaire[1], de sa fortune particulière. Ayant ensuite demandé pourquoi il ne voyait pas Anatolius, Salluste répondit qu’il était tombé sous les coups des Persans ; et l’empereur, par une inconséquence qui avait quelque chose d’aimable, regretta la perte de son ami. Il désapprouva en même temps la douleur immodérée des spectateurs, et les conjura de ne pas avilir par des larmes de faiblesse la mort d’un prince qui, en peu de momens, se trouverait uni au ciel et aux étoiles[2]. Chacun se taisait, et Julien entama, avec les philosophes Priscus et Maxime, une conversation de métaphysique sur la nature de l’âme. Ces efforts de corps et

  1. Les soldats qui faisaient à l’année leur testament verbal ou nuncupatif (in procinctu), étaient affranchis des formalités de la loi romaine, Voy. Heinec., Antiquit. jur. roman., t. I, p. 504 ; et Montesquieu, Esprit des Lois, l. XXVII.
  2. Cette union de l’âme humaine avec la substance éthérée et divine de l’univers est l’ancienne doctrine de Pythagore et de Platon ; mais elle paraît exclure toute immortalité personnelle et sentie. Voyez les observations savantes et judicieuses de Warburton sur ce point, Div. lég., vol. II, p. 199-216.