Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 4.djvu/498

Cette page a été validée par deux contributeurs.

fortifiées : ils chassaient leur bétail devant eux, mettaient le feu aux fourrages et aux champs de blés mûrs ; et à la fin de l’incendie, qui interrompait la marche des soldats, l’empereur n’avait plus devant lui que le désolant aspect d’une terre déserte, fumante et dépouillée. Ce moyen désespéré, mais efficace, ne peut être employé que par l’enthousiasme d’un peuple qui met l’indépendance au-dessus des richesses, ou par la rigueur d’un gouvernement absolu qui s’occupe de la sûreté publique sans laisser à ses sujets la liberté du choix. Le zèle et l’obéissance des Persans secondèrent en cette occasion les ordres de Sapor, et bientôt Julien se vit réduit à la faible provision de vivres qu’il avait conservée, et qui diminuait chaque jour entre ses mains. L’effort d’une marche rapide et bien dirigée pouvait le conduire, avec ce qu’il en restait, aux portes des villes riches et peu guerrières d’Ecbatane et de Suse[1]. Mais comme il ne savait pas les chemins et qu’il fut trompé par ses guides, cette dernière ressource lui manqua. Ses troupes errèrent plusieurs jours dans le pays qui se trouve à l’orient de Bagdad ; le déserteur persan, après les avoir amenées dans le piège, échappa à leur fureur, et les soldats de sa suite, mis à la tor-

  1. Isidore de Charax (Mansion Parthic., p. 5, 6, dans Hudson, Géograph. Min., tom. II) compte cent vingt-neuf schœni de Séleucie à Ecbatane ; et Thévenot (part. I, l. I, II, p. 209-245) donne cent vingt-huit heures de marche de Bagdad à la même ville. Le schœnus ne peut excéder une parasange ordinaire, ou trois milles romains.