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marche sur les bords du fleuve, ils auraient pu seulement espérer de revenir en Europe, mais sans avoir rien fait de digne du génie ou de la fortune de leur chef. En supposant au contraire qu’il fût avantageux de pénétrer dans l’intérieur des états du roi de Perse, la destruction de la flotte et des magasins se trouvait le seul moyen d’enlever ce butin précieux aux troupes nombreuses et actives qui pouvaient sortir tout à coup des portes de Ctésiphon. Si les armes de Julien avaient été victorieuses, nous admirerions maintenant la prudence et le courage d’un héros qui, ôtant à ses soldats l’espoir de la retraite, ne leur laissait que l’alternative de vaincre ou de mourir[1].

Il marche contre Sapor.

Les Romains ne connaissaient presque pas ce train embarrassant d’artillerie et de fourgons qui retardent les opérations de nos armées modernes[2]. Mais, dans tous les siècles, la subsistance de soixante mille hommes doit avoir été un des premiers soins d’un général prudent, et il ne peut tirer cette subsistance que de son pays ou de celui de l’ennemi. Quand Julien aurait pu maintenir sa communication avec le

  1. On peut se souvenir de la hardiesse heureuse et applaudie d’Agathocle et de Cortès, qui brûlèrent leurs flottes sur la côte d’Afrique et sur celle du Mexique.
  2. Voyez les réflexions judicieuses de l’auteur de l’Essai sur la Tactique, t. II, p. 287-353 ; et les savantes remarques que fait M. Guichardt (Nouveaux Mémoires militaires, t. I, p. 351-382) sur le bagage et la subsistance des armées romaines.