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paux chefs et le Surenas lui-même donnèrent le honteux exemple. Ils furent poussés jusqu’aux portes de Ctésiphon, et les vainqueurs seraient entrés dans la ville épouvantée[1], si Victor, l’un des généraux, dangereusement blessé d’une flèche, ne les avait pas conjurés d’abandonner une entreprise qui devait leur être fatale, si elle ne réussissait pas complétement. S’il faut en croire les Romains, ils ne perdirent que soixante-quinze hommes, et les Barbares laissèrent sur le champ de bataille deux mille cinq cents, ou, selon d’autres versions, six mille de leurs plus braves guerriers. Le butin fut tel qu’on pouvait l’espérer de la richesse et du luxe d’un camp d’Asiatiques : on y trouva une quantité considérable d’or et d’argent, de magnifiques armes, et des harnois brillans, des lits et des tables d’argent massif. L’empereur distribua, pour prix de la valeur, des couronnes civiques, murales et navales, que lui, et peut-être lui seul, estimait plus que les trésors de l’Asie. Il offrit un sacrifice solennel au dieu de la guerre ; mais les entrailles des victimes annoncèrent de funestes présages, et des signes moins équivoques apprirent bientôt à Julien qu’il était arrivé au terme de sa prospérité[2].

  1. Persas terrore subito miscueruut, versisque agminibus totius gentis, apertas Ctesiphontis portas victor miles intrâsset, ni major prædaruim occasio fuisset, quàm cura victoriæ. (Sextus-Rufus, De provinciis, c. 28.) Leur cupidité les disposa peut-être à écouter l’avis de Victor.
  2. Ammien (XXIV, 5, 6), Libanius (orat. parentalis,