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ordonna, dans un temps de disette, de vendre à un prix qu’on n’avait guère connu dans les années les plus abondantes ; et pour fortifier ses lois de son exemple, il envoya au marché quatre cent vingt mille modii ou mesures qu’il fit venir des greniers d’Hiérapolis, de Chalcis et même de l’Égypte. Il n’était pas difficile de prévoir les suites de cette opération et on ne tarda pas à les sentir. Les riches négocians achetèrent le blé de l’empereur ; les propriétaires et les fournisseurs cessèrent d’approvisionner la ville, et le peu de grains qu’on y amena se vendit au-dessus du prix fixé. Julien s’applaudissait de son expédient : il accusa d’ingratitude le peuple qui murmurait, et prouva aux habitans d’Antioche qu’il avait hérité, sinon de la cruauté[1], du moins de l’obstination de son frère Gallus. Les remontrances du corps municipal ne servirent qu’à aigrir son esprit inflexible. Il croyait, peut-être avec raison, que les sénateurs d’Antioche, qui possédaient des terres et faisaient le commerce, avaient contribué aux malheurs de leur pays ; et il attribuait leur hardiesse peu respectueuse, non pas au sentiment de leur devoir, mais à des vues d’intérêt. Deux cents des plus nobles et des plus riches

  1. Nunquam à proposito declinabat, Galli similis fratris licet incruentus. (Ammien, XXII, 14.) Il ne faut pas juger avec trop de rigueur l’ignorance où se trouvent réduits les princes même les plus éclairés ; mais la manière dont Julien s’est défendu lui-même (in Misopogon, p. 368, 369, ou son Apologie, faite avec soin par Libanius, orat. parental., c. 97, p. 321), ne sont nullement satisfaisantes.