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taient ces malheurs, assez grands par eux-mêmes, comme le faible prélude des autres calamités qui les menaçaient. Julien leur paraissait un tyran cruel et plein d’astuce, qui suspendait sa vengeance jusqu’à son retour de la guerre de Perse ; ils comptaient qu’après avoir triomphé de ses ennemis au dehors, il déposerait le masque pénible de la dissimulation ; que le sang des ermites et des évêques inonderait les amphithéâtres, et que les chrétiens, inébranlables dans leur foi, se verraient dépouillés des droits de la nature humaine et de la société[1]. La crainte et la haine de ses adversaires adoptaient avec crédulité toutes les calomnies[2] qui pouvaient nuire à la réputation de l’apostat ; et leurs clameurs indiscrètes aigrissaient un souverain qu’ils devaient respecter, et qu’il était de leur intérêt de flatter. Ils déclaraient toujours que les prières et les larmes étaient la seule défense qu’ils voulussent employer contre le tyran impie dont ils dévouaient la tête à la justice du ciel

  1. Saint Grégoire (orat. 3, p. 93, 94, 95 ; orat. 4, p. 114) prétend qu’il parle d’après le témoignage des confidens de Julien, qu’Orose (VII, 30) ne pouvait pas connaître.
  2. Saint Grégoire (orat. 3, p. 91) accuse l’apostat d’avoir sacrifié secrètement de petits garçons et de petites filles ; et il assure positivement que leurs corps furent jetés dans l’Oronte. (Voyez Théodoret, l. III, c. 26, 27 ; et la candeur équivoque de l’abbé de La Bléterie, Vie de Julien, p. 351, 352.) Toutefois la haine des contemporains n’imputait pas à Julien, surtout en Occident, cette troupe de martyrs que Baronius adopte si avidement, et que Tillemont rejette d’une manière si faible. (Mém. ecclés., t. VII, p. 1295-1315.)