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Conversions

La faveur de Julien se partageait d’une manière presque égale entre les païens qui avaient eu la fermeté de tenir au culte de leurs ancêtres, et ceux des chrétiens qui embrassaient prudemment la religion de leur souverain. En acquérant de nouveaux prosélytes[1], il satisfaisait sa superstition et sa vanité, ses passions dominantes ; et on l’entendit déclarer, avec l’enthousiasme d’un missionnaire, que quand même il aurait rendu chaque individu plus opulent que Midas, et chaque ville plus grande que Babylone, il ne se croirait pas le bienfaiteur du genre humain, à moins d’avoir fait cesser en même temps la révolte impie de ses sujets contre les dieux immortels[2]. Un prince qui étudiait la nature humaine et qui possédait les trésors de l’Empire romain, adaptait sans peine à toutes les classes de chrétiens ses argumens, ses promesses et ses récompenses[3] ; et le mérite d’une conversion bien placée

    des chapitres de Tillemont, Hist. des emper., t. IV, p. 960 : La cour de Julien est pleine de philosophes et de gens perdus.

  1. Il y a eu, sous le règne de Louis XIV, des années où ses sujets de tous les rangs, aspiraient au titre de convertisseurs. Cette expression désignait leur zèle et leurs succès à faire des prosélytes. Le mot et l’idée paraissent être tombés en désuétude en France ; puissent-ils ne s’introduire jamais en Angleterre !
  2. Voy. les expressions énergiques qu’emploie Libanius ; c’étaient vraisemblablement celles de Julien lui-même. (Orat. parent., c. 59, p. 285.)
  3. Lorsque saint Grégoire de Nazianze veut faire valoir la fermeté chrétienne de son frère Césarius, médecin de la cour impériale, il avoue que Césarius disputait avec un ad-