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tions et les passions peu généreuses d’un théologien polémique ; il se crut dès lors engagé à soutenir et à propager ses opinions religieuses, et s’applaudissant en secret de la force et de la dextérité avec lesquelles il maniait les armes de la controverse, il en vint facilement à soupçonner la sincérité de ses antagonistes ou à mépriser la faiblesse de leur jugement lorsqu’ils résistaient obstinément au pouvoir de sa raison et de son éloquence.

Tolérance universelle.

Les chrétiens, qui voyaient l’apostasie de Julien avec horreur et avec indignation, pensaient avoir plus lieu de craindre son pouvoir que ses argumens. Les païens, instruits de la ferveur de son zèle, attendaient peut-être avec impatience le moment prochain où ils pourraient allumer contre les ennemis des dieux les bûchers de la persécution ; ils se flattaient peut-être que la haine ingénieuse du prince inventerait quelque genre de mort ou quelque torture nouvelle inconnue à la fureur grossière et inexpérimentée de ses prédécesseurs. Mais la prudente humanité d’un empereur[1] qui s’occupait de sa réputation, de la paix publique, et des droits du genre humain, trompa, du moins en apparence, l’espoir et la crainte

  1. Libanius (orat. parent., c. 58, p. 283, 284) a développé avec éloquence les principes tolérans et la conduite de l’empereur son ami. Dans une épître remarquable qu’il adressa au peuple de Bostra, Julien lui-même (epist. 52) parle de sa modération, et laisse apercevoir ce zèle qu’avoue Ammien, et dont l’accuse saint Grégoire de Nazianze, orat. 3, p. 72.