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tels. D’après son système, le Dieu suprême avait créé, ou plutôt, dans la langue des platoniciens, il avait engendré la chaîne graduelle des esprits subordonnés, savoir : les dieux, les démons, les héros et les hommes, et tout être qui tirait son existence immédiate de la cause première, en avait reçu l’immortalité inhérente à sa nature. Afin que d’indignes objets ne partagent pas un avantage si précieux, le Créateur, disait-il, a confié à l’habileté et à la puissance des dieux inférieurs, le soin de former le corps de l’homme, et de disposer la belle harmonie du règne animal ainsi que des deux autres ; il a remis à la conduite de ses divins ministres le gouvernement temporel de notre monde subalterne : mais leur administration imparfaite n’est pas exempte de discorde et d’erreur. Ils partagent entre eux le soin de la terre et de ses habitans, et on peut découvrir les caractères de Mars ou de Minerve, de Mercure ou de Vénus, dans les lois et les mœurs de leurs sectaires particuliers. Tant qu’une prison mortelle renferme nos âmes immortelles, il est de notre intérêt et de notre devoir de solliciter la faveur et de conjurer la colère des puissances du ciel, dont l’orgueil est flatté de la dévotion des hommes, et il y a lieu de croire que la partie la plus grossière de leur être tire sa nourriture de la fumée des sacrifices[1]. Les divi-

  1. Julien adopte cette idée grossière en l’attribuant à son favori Marc-Aurèle (Cæsares, p. 333). Les stoïciens et les platoniciens hésitaient entre l’analogie des corps et la pureté des esprits ; cependant les plus graves philosophes