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de mériter sa faveur par une soumission volontaire ; mais il passa devant les postes ennemis qui bordaient le Danube, sans être tenté de faire preuve d’une valeur inutile et déplacée. Une foule de spectateurs rassemblés sur les deux bords du fleuve, contemplaient la pompe militaire, anticipaient sur la réussite de l’entreprise, et répandaient dans les pays voisins la gloire d’un jeune héros qui s’avançait avec une rapidité plus qu’humaine à la tête des forces innombrables de l’Occident. Lucilien, général de cavalerie, qui commandait les forces militaires de l’Illyrie, fut alarmé et étourdi des rapports qu’il n’osait révoquer en doute, et qu’il avait cependant peine à croire. Il avait déjà pris quelques mesures lentes et incertaines pour rassembler ses troupes, lorsqu’il fut surpris par Dagalaiphus, officier actif, que Julien, aussitôt après son débarquement, envoya en avant avec un corps d’infanterie légère. On fit monter à la hâte sur un cheval le général captif et ne sachant s’il devait attendre la vie ou la mort ; on le conduisit en présence de Julien, et l’empereur le relevant avec affabilité, dissipa la terreur et l’étonnement qui engourdissaient toutes ses facultés. Mais Lucilien, à peine rendu à lui-même, eut l’indiscrétion d’observer à Julien qu’il s’était imprudemment hasardé avec une si faible escorte au milieu de ses ennemis. « Réservez, lui dit Julien avec un sourire de mépris, vos timides remontrances pour votre maître Constance ; en vous donnant le bas de ma robe à baiser, je ne vous ai pas reçu comme un conseiller, mais comme