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reur du nom de Julien, et de joindre le plus tôt possible leur empereur sous les murs de Sirmium. Julien s’était réservé la tâche la plus difficile et la plus brillante ; suivi de trois mille volontaires braves et agiles, et qui avaient renoncé, comme leur chef, à tout espoir de retraite, il s’enfonça dans l’épaisseur de la forêt Marcienne ou forêt Noire qui recèle les sources du Danube[1] ; et pendant bien des jours, le sort de Julien fut ignoré de l’univers. Le secret de sa marche, sa diligence et sa vigueur, surmontèrent tous les obstacles. Il pénétrait à travers les montagnes et les marais, s’emparait des ponts ou traversait les rivières à la nage, et suivait toujours son chemin en ligne directe[2], sans examiner s’il traversait le territoire

  1. Ce bois faisait partie de la forêt Hercynienne, qui, du temps de César, s’étendait depuis le pays des Rauraci (Bâle) jusque dans les contrées les moins connues du Nord. Voy. Cluvier, Germania antiqua, l. III, c. 47.
  2. Comparez Libanius (orat. parent., c. 53, p. 278, 279) avec saint Grégoire de Nazianze, orat. 3, p. 68. Le saint est forcé d’admirer le secret et la rapidité de cette marche. Un théologien moderne pourrait appliquer à Julien des vers faits pour un autre apostat.

    So eagerly the fiend,
    O’er bog, or steep, throtigh strait, rough, dense, or rare,
    With head, hands, wings, or feet, pursues his way.
    And swims, or finks, or wades, or creeps, or flies.

    Avec la même ardeur le prince des Enfers,
    Tente mille moyens, mille chemins divers ;
    De ses mains, de ses pieds, de sa superbe tête,
    Il combat, il franchit l’ouragan, la tempête,
    Les défilés étroits, les gorges, les vallons,