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de ne pouvoir récompenser comme il le désirait les braves compagnons de ses victoires. Ils se retirèrent de cette fête pleins de douleur et d’incertitude, et déplorèrent les rigueurs du destin qui, en les arrachant de leur pays natal, les séparait d’un général si digne de leur affection. Un seul expédient pouvait le leur conserver : on le discuta hardiment ; il fut adopté. Le mécontentement de la multitude s’était insensiblement tourné en conspiration régulière ; les esprits échauffés exagérèrent de justes sujets de plaintes, et le vin échauffa encore les esprits. Le soir qui précéda leur départ, les soldats avaient eu la liberté de se livrer aux excès d’une fête. À minuit, cette impétueuse multitude armée d’épées, de torches et de bouteilles, s’élança dans les faubourgs, environna le palais[1], et, oubliant les dangers aux-

  1. Probablement le palais des Bains (Thermarum) dont il subsiste encore une salle dans la rue de la Harpe. Les bâtimens occupaient une grande partie du quartier connu aujourd’hui sous le nom de quartier de l’université ; et les jardins, sous les rois mérovingiens, communiquaient avec l’abbaye Saint-Germain-des-Prés. Les injures du temps et les ravages des Normands ont réduit en un tas de ruines, dans le douzième siècle, ce palais antique, dont l’intérieur obscur avait caché les excès de la débauche :

    Explicat aula sinus, montemque amplectitur alis ;
    Multipici latebrâ scelerum tersura ruborem.
    … pereuntis sæpe pudoris
    Celatura nefas, Venerisque accommoda furtis.

    Ces vers sont tirés de l’Architrenius (l. IV, c. 8), ouvrage poétique de Jean de Hauteville ou Hauville, moine de Saint--