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rent tous les liens de la société civile ; et le citoyen obscur qui pouvait regarder avec indifférence la chute ou l’élévation des empereurs, imaginait et éprouvait que sa vie et sa fortune se trouvaient liées avec les intérêts du chef ecclésiastique qu’il avait choisi. L’exemple des deux capitales, Rome et Constantinople, peut servir à nous donner une idée de l’état de l’empire, et du caractère des hommes sous le règne des fils de Constantin.

Rome.

I. Les pontifes romains, aussi long-temps qu’ils se tinrent à leur rang et conservèrent leurs principes, furent gardés par le zèle et l’attachement d’un grand peuple, et purent rejeter avec dédain les prières, les menaces et les offres d’un prince hérétique. Quand les eunuques eurent secrètement ordonné l’exil de Liberius, les craintes fondées d’une révolte les obligèrent à n’entreprendre l’exécution de cette sentence qu’avec les plus grandes précautions. On investit la ville de tous côtés, et le préfet reçut ordre de se saisir de l’évêque par force ou par adresse. Il obéit. Liberius, avec bien de la peine, fut enlevé précipitamment à minuit, et éloigné des Romains avant que la fureur eût succédé à leur consternation. Dès qu’ils eurent appris que leur évêque était relégué au fond de la Thrace, on convoqua une assemblée générale, et le clergé de Rome s’engagea, par un serment public et solennel, à ne jamais abandonner le parti de son évêque, et à ne jamais reconnaître Félix, qui, par l’influence des eunuques, avait été irrégulièrement élu et consacré dans l’enceinte d’un palais pro-