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servait également aux orthodoxes[1], qui l’employaient pour soutenir la vérité, et aux hérétiques, qui en abusaient pour défendre l’erreur[2]. L’autorité d’habiles commentateurs et la science de la dialectique furent employées à justifier les conséquences éloignées qu’on pouvait tirer de ces opinions et à suppléer au silence discret des écrivains sacrés. On agita dans les écoles philosophiques et chrétiennes d’Alexandrie les grandes et subtiles questions relatives à la nature, la génération, la distinction, et à l’égalité des trois divines personnes de la mystérieuse Triade ou Trinité[3]. L’avide curiosité tra-

  1. On peut trouver dans La Motte le Vayer (tom. V, p. 135, etc., édit. 1757), et dans Basnage (Hist. des Juifs, t. IV, p. 29-79, etc.) des preuves du respect que les chrétiens avaient pour la personne de Platon et pour sa doctrine.
  2. Doleo bonâ fide, Platonem omnium hæreticorum condimentarium factum. Tertullien, De animâ, c. 23 ; Pétau (Dogm. theolog. t. III, proleg. 2) prouve que ce reproche était général. Beausobre (t. I, l. III, c. 9, 10) a présenté les erreurs des gnostiques comme une conséquence des principes de Platon ; et comme dans l’école d’Alexandrie ces principes se trouvaient mélangés avec la philosophie orientale (Brucker, t. I, p. 1356), le sentiment de Beausobre peut se concilier avec l’opinion de Mosheim (Hist. générale de l’Église, vol. I, p. 37).
  3. Théophile, évêque d’Antioche, fut le premier qui employa le mot Triade, Trinité : ce terme abstrait qui était déjà familier dans les écoles de la philosophie, ne doit avoir été introduit dans la théologie des chrétiens que passé le milieu du second siècle.