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profane[1], il fit servir les autels de marchepied au trône de l’empire. Ce jugement hardi et absolu ne se trouve cependant pas justifié par la connaissance que nous avons du cœur humain, du caractère de Constantin et de la foi chrétienne. Dans les temps de ferveur religieuse, on a vu communément les plus habiles politiques éprouver une partie de l’enthousiasme qu’ils tâchaient d’inspirer, et les personnages les plus pieux et les plus orthodoxes s’accorder le dangereux privilége de soutenir la cause de la vérité par la ruse et le mensonge. L’intérêt personnel est souvent la règle de notre croyance aussi-bien que celle de nos actions ; et les motifs d’avantages temporels qui déterminaient Constantin dans sa conduite publique, pouvaient disposer insensiblement son esprit à embrasser une religion favorable à sa gloire et à sa fortune. Il aimait à se croire envoyé du ciel pour régner sur la terre ; cette idée flattait

  1. Lors Constantin dit ces propres paroles :
    J’ai renversé le culte des idoles ;
    Sur les débris de leurs temples fumans.
    Au Dieu du ciel j’ai prodigué l’encens ;
    Mais tous mes soins pour sa grandeur suprême
    N’eurent jamais d’autre objet que moi-même.
    Les saints autels n’étaient à mes regards
    Qu’un marchepied du trône des Césars ;
    L’ambition, la fureur, les délices,
    Étaient mes dieux, avaient mes sacrifices ;
    L’or des chrétiens, leurs intrigues, leur sang,
    Ont cimenté ma fortune et mon rang.

    Le poëme d’où sont tirés ces vers peut être lu avec plaisir, mais la décence défend de le nommer.