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valle de trois ans, ont laissé une ample latitude aux inventions d’une foule de déclamateurs, avidement reçues par une crédulité partiale, et approuvées tacitement par l’empereur, qui pouvait écouter sans indignation un conte dont le merveilleux ajoutait à sa gloire et servait ses desseins. Le même auteur a eu soin de se pourvoir d’une vision du même genre en faveur de Licinius, qui dissimulait encore son animosité contre les chrétiens. Un ange lui présenta une formule de prière qui fut répétée par toute l’armée avant d’engager le combat contre Maximin. La fréquente répétition des miracles irrite l’esprit quand elle ne subjugue pas la raison[1] ; mais si l’on considère séparément le songe de Constantin, on peut l’expliquer naturellement par sa politique ou par son enthousiasme. À la veille d’un jour qui devait décider du destin de l’empire, si sa vive inquiétude fut suspendue par quelques instans d’un sommeil agité, il n’est pas étonnant que la forme vénérable du Christ et les symboles connus de sa religion, se soient présentés à l’imagination tourmentée d’un prince qui révérait le nom et implorait peut-être en secret le secours du Dieu des chrétiens. Un politique

  1. Cæcilius, De mort. pers., c. 46 ; Voltaire parait fondé dans son observation (Œuvres, tom. XIV, p. 307), lorsqu’il attribue aux succès de Constantin la renommée de son labarum, et sa supériorité sur l’ange de Licinius. Cependant, l’apparition de cet ange est adoptée par Pagi, Tillemont, Fleuri, etc., qui paraissent jaloux de multiplier les miracles.