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de ses fils dégénérés, et acquirent peu à peu la connaissance et enfin la direction des conseils les plus secrets de Constance. Le mépris et l’aversion qu’on a toujours eus pour cette espèce dégradée, semblent les avoir rendus aussi incapables qu’on les en supposait, de toute action noble et de tout sentiment d’honneur et de générosité[1] ; mais les eunuques étaient instruits dans l’art de l’intrigue et de l’adulation ; et ils gouvernaient alternativement Constance par ses terreurs, par son indolence et par sa vanité[2]. Tan-

    Constantin d’avoir mis des bornes à la tyrannie des eunuques, déplore les malheurs dont ils ont été la cause sous d’autres règnes. Huc accedit quod eunuchos nec in consiliis, nec in ministeriis habuit, qui soli principes perdunt, dum eos more gentium aut regum Persarum volant vivere ; qui à populo etiam amicissimum semovent ; qui internuncii sunt, aliud quàm respondetur referentes ; claudentes principem suum, et agentes ante omnia, ne quid sciat.

  1. Xénophon (Cyropædia, l. VIII, p. 540) a détaillé les motifs spécieux qui engagèrent Cyrus à confier la garde de sa personne à des eunuques. Il avait remarqué que la même mutilation, pratiquée sur les animaux, les rendait plus dociles, sans diminuer leur force ou même leur courage, et il s’imagina qu’une espèce bâtarde, séparée de tout le reste du genre humain, serait plus inviolablement attachée à son bienfaiteur. Mais une longue expérience a démenti le jugement de Cyrus. Il peut se trouver quelques exemples bien rares d’eunuques qui se sont distingués par leur talent, par leur valeur et par leur fidélité ; mais en examinant l’histoire générale de la Perse, de l’Inde et de la Chine, on remarque que la jouissance des eunuques annonçait toujours le déclin et la chute de chaque dynastie.
  2. Voy. Ammien-Marcellin, l. XXI, c. 16 ; l. XXII, c. 4. Tout