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mande et mérite toute l’attention de la postérité ; je tâcherai d’apprécier impartialement la vision de Constantin, en considérant l’un après l’autre, l’étendard, le songe et le signe céleste, en séparant l’historique, le naturel et le merveilleux confondus avec tant d’art dans cette histoire extraordinaire, pour en composer le brillant et fragile édifice d’une preuve spécieuse.

Le labarum ou étendard de la croix.

1o. L’instrument d’un supplice que l’on n’infligeait qu’aux esclaves et aux étrangers, était devenu un objet d’horreur pour les citoyens de Rome ; et à l’idée d’une croix était inséparablement liée celle de crime, de souffrance et d’ignominie[1]. La piété de Constantin plutôt que son humanité abolit dans ses états le supplice que le Sauveur du monde avait daigné souffrir[2]. Mais il fallait qu’il fût parvenu à

  1. Nomen ipsum crucis absit non modo à corpore civium romanorum, sed etiam à cogitatione, oculis, auribus. (Cicéron, pro Rabirio, c. 5.) Les écrivains du christianisme, saint Justin, Minutius-Félix, Tertullien, saint Jérôme, et Maxime de Turin, ont cherché avec assez de succès la figure ou la forme de la croix dans presque tous les objets de la nature et de l’art, dans l’intersection de l’équateur et du méridien, dans le visage humain, dans un oiseau qui vole, dans un homme qui nage, dans un mât de vaisseau et sa vergue, dans une charrue, dans un étendard, etc. Voyez Lipse, De cruce, l. I, c. 9.
  2. Voyez Aurelius-Victor, qui regarde cette loi comme une preuve de la piété de Constantin. Un édit si honorable pour le christianisme méritait de tenir une place dans le Code de Théodose, au lieu d’être cité d’une manière indi-