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reau[1]. Leur vie sérieuse et retirée, entièrement éloignée du luxe et des plaisirs du siècle, les endurcissait à la chasteté, à la tempérance, à l’économie, et à toute la modestie des vertus domestiques. Comme la plus grande partie d’entre eux exerçait quelque métier ou quelque profession, il leur importait d’agir avec la bonne foi la plus évidente, et avec la plus scrupuleuse intégrité, pour éloigner tous les soupçons que les profanes sont trop disposés à concevoir contre les apparences de la sainteté. Le mépris du monde entretenait perpétuellement les fidèles dans des sentimens de patience, de douceur et d’humilité. Plus on les persécutait, plus ils s’attachaient les uns aux autres. Leur charité mutuelle et leur confiance généreuse n’ont point échappé aux regards des infidèles, et des amis perfides n’en ont que trop souvent abusé[2].

Ce qui doit donner une haute idée de la morale des premiers chrétiens, c’est que leurs fautes mêmes, ou plutôt leurs erreurs, venaient d’un excès de

  1. Tertullien dit positivement aucun chrétien, nemo illic christianus : au reste, la restriction qu’il met lui-même à ces paroles, et que cite Gibbon dans la note 2, diminue la force de cette assertion, et paraît prouver seulement qu’il n’en connaissait pas. (Note de l’Éditeur.)
  2. Le philosophe Peregrinus, dont la vie et la mort ont été décrites par Lucien d’une manière si agréable, abusa pendant long-temps de la simplicité crédule des chrétiens de l’Asie.