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l’Église, une autre considération d’une espèce moins relevée, mais pure cependant et respectable, les empêchait de retomber dans leurs désordres passés. Toute société particulière qui s’est séparée du grand corps de la nation ou de la religion à laquelle elle appartenait, excite aussitôt une attention et une méfiance universelles. C’est surtout quand elle est composée d’un très-petit nombre de personnes, que leurs vertus ou leurs vices peuvent influer sur la réputation générale de la société. Chaque membre est obligé de veiller avec la plus exacte vigilance sur sa propre conduite et sur celle de ses frères, puisque devant s’attendre à partager le déshonneur que quelques-uns répandraient sur tous, il espère participer à la réputation commune. Lorsque les chrétiens de Bithynie furent traduits devant le tribunal de Pline-le-Jeune, ils assurèrent le proconsul que, loin d’entrer dans aucune conspiration contraire aux lois de l’état, ils s’engageaient tous, par une obligation solennelle, à ne commettre aucun de ces crimes qui troublent la paix publique et particulière de la société, tels que le vol, le brigandage, l’adultère, le parjure et la fraude[1]. Cent ans après environ, Tertullien pouvait se vanter, avec un noble orgueil, qu’excepté pour la cause de la religion, on avait vu périr très-peu de chrétiens[2] par la main du bour-

  1. Lettres de Pline, X, 97.
  2. Tertullien, Apolog., c. 44. Il ajoute cependant, avec une sorte d’hésitation : Aut si aliud jam non christianus.