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Les apologistes du christianisme peuvent avouer, sans rougir, que la plupart des saints les plus éminens ont été, avant leur baptême, les plus scandaleux des pécheurs. Ceux qui dans le monde avaient suivi, quoique d’une manière très-imparfaite, les lois de la bienveillance et de l’honnêteté, se contentaient de l’opinion de leur propre droiture ; et la satisfaction calme qu’ils éprouvaient les rendait bien moins susceptibles de ces émotions soudaines de honte, de douleur et d’effroi qui ont enfanté tant de conversions merveilleuses. Guidés par l’exemple de leur divin maître, les missionnaires de l’Évangile ne dédaignaient pas la société des hommes, et surtout des femmes, qui, accablés du poids de leurs vices, en ressentaient souvent les effets. Comme ces prosélytes passaient tout à coup du péché et de la superstition à l’espérance glorieuse de l’immortalité, ils prenaient le parti de se consacrer non-seulement à l’exercice des vertus, mais encore à une vie de pénitence. Le désir de la perfection devenait la passion dominante de leur âme ; et si la raison s’arrête dans une froide modération, on sait avec quelle rapidité, avec quelle violence nos passions nous font franchir l’espace qui se trouve entre les extrémités les plus opposées.

Soin qu’ils avaient de leur réputation.

Lorsque les nouveaux convertis avaient été enrôlés parmi les fidèles, et admis aux sacremens de

    Spanheim dans son Comm. sur les Césars, de Julien, page 468.