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l’humanité du lecteur me pardonnera de tirer un voile sur le reste de cette description révoltante, continuée par le zélé Africain avec une recherche d’esprit remplie d’affectation et de cruauté[1].

Sans doute parmi les premiers chrétiens il y en avait un grand nombre dont le caractère s’accordait mieux avec la douceur et la charité de leur profession de foi. Plusieurs d’entre eux ressentaient une compassion sincère à la vue des dangers de leurs amis et de leurs compatriotes ; et animés d’une ardeur bienfaisante, ils s’efforçaient de les arracher à une perte inévitable. L’indifférent polythéiste, qui se trouvait tout à coup assailli par des terreurs imprévues, dont ne pouvaient le garantir ses prêtres et ses philosophes, était souvent effrayé et subjugué par la menace d’un supplice éternel. Ses alarmes aidaient aux progrès de sa foi et de sa raison ; et s’il parvenait une fois à soupçonner que la religion chré-

    nobis ad redundationem benignitatis etiam pro inimicis Deum orare et persecutoribus bona precari. — Sed etiam nominatim atque manifeste orate, inquit (Christus) pro regibus et pro principibus et potestatibus ut omnia sint tranquilla vobis. Tertull., Apolog., c. 31. (Note de l’Éditeur.)

  1. Tertullien, De spectaculis, c. 30. Pour donner une idée du degré d’autorité qu’avait acquise le zélé Africain, il suffit de rapporter le témoignage de saint Cyprien, le docteur et le guide de toutes les Églises occidentales. (Voy. Pruden., hymn. XIII, 100) Toutes les fois qu’il s’appliquait à son étude journalière des écrits de Tertullien, il avait coutume de dire : da mihi magistrum : « Donnez-moi le maître. » (Saint Jérôme, De viris illustr., c. 53.)