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le système actuel de l’univers devait être détruit par le feu, paraissait extrêmement probable. Le chrétien, qui fondait bien moins sa croyance sur les argumens trompeurs de la raison que sur l’autorité de la tradition et sur l’interprétation de l’Écriture, attendait avec terreur et avec confiance cette destruction totale, persuadé qu’elle allait bientôt arriver ; et comme cette idée remplissait perpétuellement son esprit, tous les désastres qui tombaient sur l’empire lui paraissaient autant de symptômes infaillibles de la décadence d’un monde expirant[1].

Les païens dévoués aux supplices éternels.

La réprobation des païens les plus sages et les plus vertueux, dont le crime était d’ignorer ou de ne pas croire la vérité divine, semble blesser la raison et l’humanité de notre siècle[2]. Mais la primitive Église,

  1. Sur ce sujet, tout homme de goût lira avec plaisir la troisième partie de la théorie sacrée de Burnet. Cet auteur mêle ensemble la philosophie, l’Écriture et la tradition ; il en compose un système magnifique, et, dans la description qu’il en donne, il déploie une force d’imagination qui ne le cède pas à celle de Milton lui-même.
  2. Et cependant, quel que puisse être le langage des individus, c’est encore la doctrine publique de toutes les Églises chrétiennes ; l’Église anglicane même ne peut refuser d’admettre les conclusions que l’on doit nécessairement tirer du huitième et du dix-huitième de ses articles. Les jansénistes, qui ont étudié avec tant de soin les ouvrages des pères, maintiennent ce sentiment avec un zèle remarquable ; et le savant M. de Tillemont ne parle jamais de la mort d’un vertueux empereur, sans prononcer sa damnation. Zwingle est peut-être le seul chef de parti qui ait adopté une