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de son humble état dans ce monde, et qui pouvait attester les calamités des Juifs sous Vespasien et sous l’empereur Adrien. Dix-sept siècles révolus nous ont appris à ne pas trop presser le langage mystérieux des prophéties et de l’Apocalypse ; mais cette erreur, tant que les sages décrets de la Providence ont permis qu’elle subsistât dans l’Église, produisit les effets les plus salutaires sur la foi et sur la conduite des chrétiens qui vivaient dans l’attente auguste de ce moment où le globe lui-même et toutes les différentes races des mortels trembleraient à l’aspect de leur divin Juge[1].

  1. Cette attente était fondée sur le vingt-quatrième chapitre de saint Matthieu, et sur la première épître de saint Paul aux Thessaloniciens. Érasme lève la difficulté à l’aide de l’allégorie et de la métaphore. Le savant Grotius se permet d’insinuer que de sages motifs autorisèrent cette pieuse imposture (*).
    (*) Quelques théologiens modernes l’expliquent sans y voir ni allégorie ni imposture : ils disent que Jésus-Christ, après avoir annoncé la ruine de Jérusalem et du temple, parle de sa nouvelle venue et des signes qui doivent la précéder ; mais que ceux qui ont cru que ce moment était proche se sont trompés sur le sens de deux mots ! erreur qui subsiste encore dans nos versions de l’Évangile selon saint Matthieu, c. 24, v. 29 et 34. Dans le verset 29, on lit : « Mais aussitôt après ces jours d’affliction, le soleil s’obscurcira, etc. » Le mot grec ευθεως signifie ici tout d’un coup, brusquement, et non aussitôt ; de sorte qu’il ne désigne que l’apparition subite des signes que Jésus-Christ annonce, et non la brièveté de l’intervalle qui doit les séparer des jours d’affliction dont il vient de parler. — Le verset 34 est celui-ci : « Je vous dis en vérité que cette génération ne passera point que tout cela n’arrive. » Jésus, parlant à ses disciples, se sert de ces mots αυτη γενεα, que les traducteurs ont rendu par cette génération, mais qui veulent dire la race, la filiation de mes disciples ; c’est d’une classe d’hommes et non