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avaient conçu une idée plus relevée, et, à certains égards, plus juste de la nature humaine, quoique, dans leurs sublimes recherches, leur raison ait souvent pris pour guide leur imagination, et que leur imagination ait été dirigée par leur vanité. Lorsqu’ils contemplaient avec complaisance l’étendue de leurs puissances intellectuelles ; lorsque dans les spéculations les plus profondes, ou dans les études les plus importantes, ils exerçaient les diverses facultés de la mémoire, de l’imagination et du jugement ; lorsque enfin ils méditaient sur cet amour de la gloire qui les transportait dans les siècles futurs bien au-delà des limites de la mort et du tombeau, ils ne pouvaient consentir à se confondre avec les animaux des champs, ni se résoudre à supposer qu’un être, dont la dignité leur inspirait l’admiration la plus vive, fût réduit à une petite portion de terre, et à une durée de quelques années. Pour appuyer des sentimens si favorables à l’excellence de notre espèce, ils appelèrent à leur secours la science, ou plutôt le langage de la métaphysique. Ils découvrirent bientôt que, comme aucune des propriétés de la matière ne peut s’appliquer aux opérations de l’esprit, l’âme devait être une substance différente du corps, pure, simple et spirituelle, incapable de dissolution, et susceptible d’un degré plus parfait de bonheur et de vertu, après être sortie de sa prison corporelle. Les philosophes qui marchèrent sur les traces de Platon, tirèrent de ces principes nobles et spécieux une conclusion qu’il eût été très-difficile de justifier,