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cette foule en désordre. Les historiens[1] avouent avec sincérité qu’il y eut un grand carnage de Romains, et que le reste des légions fugitives n’échappa qu’avec des peines et des fatigues intolérables. Les panégyristes même conviennent que la gloire de l’empereur fut obscurcie par la désobéissance de ses soldats ; et ils tirent le voile sur les détails de cette retraite humiliante. Cependant un de ces orateurs mercenaires, si jaloux de la renommée de Constance, raconte avec la plus froide indifférence une action si barbare, qu’au jugement de la postérité, elle doit imprimer sur l’empereur une tache infiniment plus honteuse que celle de sa défaite. Le fils de Sapor et l’héritier de sa couronne avait été pris dans le camp des Perses. Ce jeune infortuné, qui aurait obtenu la compassion de l’ennemi le plus sauvage, fut fustigé, mis à la torture, et publiquement exécuté par les barbares Romains[2].

Quelques avantages que Sapor eut obtenus par neuf victoires consécutives qui avaient répandu chez les nations la renommée de sa valeur et de ses talens militaires, il ne pouvait cependant espérer de réussir dans ses desseins, tant que les Romains conserveraient les villes fortifiées de la Mésopotamie, et surtout l’ancienne et forte cité de Nisibis. Dans l’es-

  1. Acerrimâ nocturnâ concertatione pugnatum est, nostrorum copiis, ingenti strage confossis. (Ammien, XVIII, 5. Voyez aussi Eutrope, X, 10 ; et Sextus-Rufus, c. 27.)
  2. Libanius, orat. 3, p. 133 ; Julien, orat. 1, p. 24 ; et le Commentaire de Spanheim, p. 179).