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l’art et la discipline remportèrent sur les efforts d’une valeur irrégulière. L’armée vaincue des Goths abandonna le champ de bataille et la province dévastée, et renonça au passage du Danube ; quoique le fils aîné de Constantin eût tenu dans cette journée la place de son père, on attribua aux heureux conseils de l’empereur tout le mérite et l’honneur de la victoire qui répandit une joie universelle.

Il sut au moins en tirer avantage par ses négociations avec les peuples libres et guerriers de la Chersonèse[1], dont la capitale, située sur la côte occidentale de la Crimée, conservait quelques vestiges d’une colonie grecque. Elle était gouvernée par un magistrat perpétuel, aidé d’un conseil de sénateurs pompeusement appelés les pères de la cité. Les habitans de la Chersonèse étaient irrités contre les Goths par le souvenir des guerres que dans le siècle précédent ils avaient soutenues avec des forces inégales contre les usurpateurs de leur pays. Liés avec les Romains par les avantages d’un commerce d’é-

  1. Je dois me justifier d’avoir employé sans scrupule le témoignage de Constantin Porphyrogénète, dans tout ce qui a rapport aux guerres et aux négociations des Chersonites. Je sais que c’était un Grec du dixième siècle, et que ce qu’il dit des anciens événemens est souvent confus et fabuleux ; mais sa narration est ici bien liée et vraisemblable, et il n’est pas difficile de concevoir qu’un empereur ait pu consulter des monumens secrets qui ont échappé aux recherches des autres historiens. Quant à la position et à l’histoire de Cherson, voyez Peyssonel, des Peuples barbares qui ont habité les bords du Danube, c. 16, p. 84-90.