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soit pères, frères ou maris, acquittent le tribut du reste, composé de femmes et d’enfans ; et cependant la contribution de chacun de ces sept millions d’individus n’excédera guère cinquante schellings d’Angleterre, ou environ cinquante-six livres tournois ; et cette somme est presque quatre fois au-dessous de celle que payait annuellement un Gaulois. Cette différence vient beaucoup plus du changement qu’a éprouvé la civilisation de la France, que de la rareté ou de l’abondance relative des espèces d’or et d’argent. Dans un pays où la liberté est l’apanage de tous les sujets, la masse totale des impôts sur la propriété ou sur les consommations peut être répartie sur tout le corps de la nation ; mais la plus grande partie des terres de la Gaule et des autres provinces romaines étaient cultivées par des esclaves, ou par des paysans dont l’état précaire n’était qu’un esclavage mitigé[1]. Les pauvres travaillaient pour les riches et vivaient à leurs dépens ; et comme l’on n’inscrivait sur le rôle des impositions que ceux qui avaient une certaine propriété, le petit nombre des contribuables explique et justifie le taux élevé de leur impôt. L’exemple suivant confirmera la vérité de cette observation. Les Æduens, une des tribus les plus puissantes et les plus civilisées de la Gaule, occupaient le territoire qui forme aujourd’hui les deux

  1. Cod. Theod., l. V, tit. 9, 10 et 11 ; cod. Justinian., l. XI, tit. 63. Coloni appellantur qui conditionem debent genitali solo, propter agriculturam sub dominio possessorum. (Saint Augustin, De civ. Dei, l. X, c. 1)