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La théorie de la capitation romaine a pu être fondée sur ce calcul d’égalité ; mais dans la pratique, cette égalité injuste disparaissait, parce que l’imposition était levée comme réelle et non pas comme personnelle. Plusieurs pauvres citoyens réunis ne formaient qu’une tête ou une part de la taxe, tandis qu’un riche propriétaire représentait, à raison de sa fortune, plusieurs de ces têtes imaginaires. Dans une requête poétique, adressée à l’un des derniers et des plus vertueux empereurs romains qui aient régné sur les Gaules, Sidonius Apollinaris personnifie sa part du tribut, sous la figure d’un triple monstre, le Géryon de la fable, et il supplie le nouvel Hercule, de lui sauver la vie en lui abattant trois de ses têtes[1]. La fortune de Sidonius était sans doute fort au-dessus de celle d’un poète ordinaire ; mais, s’il avait voulu suivre l’allégorie, il aurait pu peindre un grand nombre des nobles de la Gaule sous la forme de l’hydre à cent têtes, qui s’étendait sur toute une province ; et dévorait la substance de cent familles.

On ne peut raisonnablement croire que la somme de neuf livres sterling ait été la mesure moyenne et proportionnelle de la capitation des Gaules, et l’on

  1. Geryones nos esse puta, monstrumque tributum,
    Hic capita, ut vivam, tu mihi tolle triaccc.

    Sidonius Apollin., Carm. XIII.

    D’après la réputation du père Sirmond, je m’attendais à trouver une note plus satisfaisante (p. 144) sur ce passage remarquable. Les mots suo vel suorum nomine annoncent l’embarras du commentateur.