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Moïse, pouvaient être admis dans le sein de plusieurs sociétés chrétiennes, qui n’exigeaient pas de leur esprit, encore rempli de préjugés, la croyance d’une révélation antérieure ; insensiblement leur foi s’étendit et se fortifia, de sorte qu’à la fin l’Église profita des conquêtes de ses ennemis les plus invétérés[1].

Les démons considérés comme les dieux de l’antiquité.

Au reste, quelle que pût être, entre les orthodoxes, les ébionites et les gnostiques, la différence d’opinion concernant la divinité ou la nécessité de la loi de Moïse, un zèle exclusif les animait tous également ; et ils avaient pour l’idolâtrie la même horreur qui avait distingué les Juifs parmi les autres nations du monde ancien. Le philosophe, qui ne voyait dans le système du polythéisme qu’un mélange ridicule de fraude et d’erreur, pouvait librement sourire de pitié sous le masque de la dévotion, sans craindre que son mépris ou sa complaisance l’exposât au ressentiment de quelque puissance invisible, ou plutôt, selon lui, imaginaire. Mais les premiers chrétiens envisageaient avec bien plus d’effroi, et sous un jour beaucoup plus odieux, la religion du paganisme. Les fidèles et les hérétiques s’accordaient à regarder les démons comme les auteurs, les patrons et les objets de l’idolâtrie[2]. Ces esprits

  1. Saint Augustin est un exemple mémorable de ce passage, qui mène par degrés de la raison à foi. Il fut, durant plusieurs années, engagé dans la secte des manichéens.
  2. Le sentiment unanime de l’Église primitive est très-clairement expliqué par saint Justin martyr. Apolog. Major,