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spéciales qui approuvaient tacitement, et même qui autorisaient l’usage général de la torture. Tous les hommes de la classe des illustres ou des honorables, les évêques et leurs prêtres, les professeurs des arts libéraux, les soldats et leurs familles, les officiers municipaux et leur postérité jusqu’à la troisième génération, et tous les enfans au-dessous de l’âge de puberté, en étaient exempts[1]. Mais il s’introduisit une maxime fatale dans la nouvelle jurisprudence de l’empire : le cas du crime de lèse-majesté, qui comprenait tous les délits que la subtilité des gens de loi pouvait déduire d’une intention hostile envers le prince ou la république[2], suspendait tous les priviléges et réduisait toutes les conditions au même niveau d’ignominie. Du moment où l’on mit la sûreté de l’empereur au-dessus de toutes les considérations de la justice et de l’humanité, l’âge le plus vénérable et la plus tendre jeunesse se trouvèrent exposés aux plus cruelles tortures ; et les principaux citoyens du monde romain avaient toujours à craindre qu’un vil délateur ne les dénonçât comme complices, et même comme témoins d’un crime peut-être imaginaire[3].

  1. Heineccius (Elementa juris civilis, part. 7, p. 81) a fait le tableau de ces exemptions.
  2. La définition du sage Ulpien (Pandect. l. XLVIII, tit. 4) paraît avoir été adoptée à la cour de Caracalla, plutôt qu’à celle d’Alexandre Sévère. Voyez les codes de Théodose et de Justinien ad legem Juliam majestatis.
  3. Arcadius-Charisius est le premier des jurisconsultes