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respect que l’orgueil des Romains n’avait dû qu’à leur ignorance, et ils acquirent la possession des avantages qui soutenaient encore la grandeur expirante de leurs anciens maîtres. Les soldats barbares distingués par des talens militaires, arrivaient aux postes les plus importans, sans exception. Les noms des tribuns, des comtes, des ducs et même des généraux, trahissent une origine étrangère que bientôt ils ne daignèrent plus déguiser. On leur confiait souvent la conduite d’une guerre contre leurs compatriotes ; et, quoique la plupart préférassent les liens de la fidélité à ceux du sang, quelques-uns cependant furent ingrats, ou du moins soupçonnés d’entretenir une correspondance criminelle avec les ennemis, d’encourager leurs incursions, et de les épargner dans leur retraite. Le fils de Constantin laissait gouverner son palais et ses camps par une faction puissante de Francs, dont tous les membres, solidement et constamment unis entre eux, et avec leurs compatriotes, regardaient un affront fait à un des leurs comme une insulte nationale[1]. Lorsque le tyran Caligula fut soupçonné de vouloir donner la robe de consul à un candidat d’une espèce très-extraordinaire, ce sacrilége aurait excité presque autant de surprise, si, au lieu d’un cheval, le chef le plus noble de la Germanie ou de la Bretagne avait été l’objet de son choix. Un inter-

  1. Malarichus adhibitis Francis, quorum eâ tempestate in palatio multitudo florebat, erectiùs jam loquebatur tumultuabaturque. Ammien-Marcellin, l. XV, c. 5.