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tus dont leur ancienne liberté avait été la source, la simplicité de leurs manières disparut insensiblement, et les Romains s’abaissèrent jusqu’à imiter la fastueuse affectation des courtisans de l’Asie. Les distinctions du mérite personnel, son influence si brillante dans une république, si faible et si obscure dans une monarchie, furent abolies par le despotisme des empereurs. Tous les rangs, toutes les dignités furent asservies à une subordination sévère, depuis l’esclave titré, assis sur les degrés du trône, jusqu’aux plus vils instrumens du pouvoir arbitraire. Cette multitude de serviteurs abjects étaient intéressés à maintenir le nouveau gouvernement, dans la crainte qu’une révolution ne détruisît leurs espérances, et ne leur enlevât le prix de leurs services. Dans cette divine hiérarchie (c’est le titre qu’on lui donne souvent), chaque rang était marqué avec la plus scrupuleuse exactitude, et chaque dignité était asservie à une quantité de vaines cérémonies, dont il fallait faire son étude, et qu’on ne pouvait négliger sans commettre un sacrilège[1]. La pureté de la langue latine se corrompit en adoptant une profusion d’épithètes enfantées par la vanité des uns et par la bassesse des autres. Cicéron les aurait à peine comprises, et

  1. L’empereur Gratien, après avoir confirmé une loi sur la préséance, publiée par Valentinien, père de sa divinité, continue ainsi : Si quis igitur indebitum sibi locum usurpaverit, nulla se ignoratione defendat, sitque plane sacrilecii reus, qui divina præcepta neglexerit. Cod. Théodos., l. VI, tit. V, leg. 2.