Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/293

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Conclusion.

Nous terminerons ce chapitre par une vérité triste, que, malgré notre répugnance, nous sommes forcés de reconnaître ; c’est que, même en admettant, sans hésiter ou sans aucun examen, tout ce que l’histoire a rapporté, ou bien tout ce que la dévotion a inventé au sujet des martyrs, on doit encore l’avouer, les chrétiens, dans le cours de leurs dissensions intestines, se sont causé les uns aux autres de bien plus grands maux que ne leur en avait fait éprouver le zèle des païens. Durant les siècles d’ignorance qui suivirent la destruction de l’Empire romain en Occident, les évêques de la ville impériale étendirent leur domination sur les laïques aussi-bien que sur le clergé de l’Église latine. L’édifice de la superstition, qu’ils avaient élevé et qui aurait pu défier long-temps les faibles efforts de la raison, fut enfin attaqué par une foule de fanatiques audacieux, qui, depuis le douzième siècle jusqu’au seizième, prirent, pour en imposer au peuple, le rôle de réformateurs. L’Église de Rome défendit par la violence l’empire qu’elle avait acquis par la fraude : des proscriptions, des guerres, des massacres, et l’institution du Saint-Office, défigurèrent bientôt un système de bienfaisance et de paix ; et comme les réformateurs étaient animés par l’amour de la liberté civile aussi-bien que par celui de la liberté religieuse, les princes catholiques lièrent leurs propres intérêts à ceux du clergé, et secondèrent, par le fer et par le feu, les terreurs des armes spirituelles : dans les Pays-Bas seuls, plus de cent mille des sujets de Charles-Quint furent