Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/286

Cette page a été validée par deux contributeurs.

contemporains. Dans quelques occasions particulières, lorsque le magistrat avait été irrité par des motifs de haine ou d’intérêt personnel ; lorsque le zèle faisait oublier aux martyrs les règles de la prudence, et peut-être de la décence ; lorsqu’il les portait à renverser les autels, à charger les empereurs d’imprécations, ou à frapper le juge quand il était assis sur son tribunal ; vraisemblablement alors on épuisait sur ces victimes dévouées tous les tourmens que pouvait inventer la cruauté, ou que pouvait braver la constance[1]. Deux circonstances ce-

  1. La relation ancienne, et peut-être authentique, des souffrances de Tarachus et de ses compagnons (Act. sincer., Ruinart, p. 419-448) est remplie d’expressions fortes, dictées par le ressentiment et par le mépris, et qui ne pouvaient manquer d’irriter le magistrat. La conduite d’Ædesius envers Hiéroclès, préfet d’Égypte, fut encore plus extraordinaire : λογοις τε και εργοις τον δικαστην… περιϐαλων. Eusèb., De mart. Palest., c. 5 (*).
    (*) Les actes de Tarachus et de ses compagnons ne renferment rien qui paraisse dicté par un ressentiment outré. C’est la faute des persécuteurs, s’ils prennent pour du mépris la fermeté de ceux qu’ils persécutent. Quel est votre nom ? demanda à Tarachus le président Maxime. — Je suis chrétien. — Qu’on lui brise les mâchoires. (Ruinart, p. 460.) Probas, son compagnon, fut amené. À la même question, il fit la même réponse : Je suis chrétien, et je m’appelle Probus. On lui ordonna de sacrifier pour obtenir des honneurs de son prince et l’amitié de Maxime. — À ce prix, je ne désire ni les honneurs du prince ni votre amitié. Après avoir souffert les plus cruelles tortures, il fut jeté dans les fers, et le juge défendit que l’on prît soin de ses plaies : sanguine tuo impleta est terra. (Ruinart, p. 462.) Andronicus parut le troisième. Il répondit avec la même fermeté à l’ordre de sacrifier. Le juge, pour le tromper, lui dit que ses frères avaient eu cette complaisance. — Malheureux ! reprit-il, pourquoi me