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vaient se servir) ont renoncé aux divinités et aux institutions de Rome. Ils ont formé une république distincte, qu’il est encore possible de détruire avant qu’elle ait acquis aucune force militaire ; mais elle se gouverne déjà par ses propres lois et par ses magistrats ; déjà elle possède un trésor public ; et toutes ses parties sont intimement liées entre elles par ces assemblées fréquentes d’évêques, dont de nombreuses et opulentes congrégations reçoivent les décrets avec une obéissance implicite. On pourrait croire que de pareils argumens furent employés pour faire impression sur l’esprit de Dioclétien, et l’engager, malgré sa répugnance, à suivre un nouveau système de persécution. Mais quelles que soient nos conjectures, il n’est pas en notre pouvoir de rapporter les intrigues secrètes du palais, les vues et les haines particulières, la jalousie des femmes et des eunuques, et tous ces motifs frivoles, mais décisifs, qui influent si souvent sur le destin des empires et dans les conseils des plus sages monarques[1].

  1. La seule circonstance que nous puissions découvrir, est la dévotion et la jalousie de la mère de Galère ; elle était, selon Lactance, Deorum montium cultrix ; mulier admodùm superstitiosa. Elle avait beaucoup d’influence sur l’esprit de son fils, et elle était choquée du peu d’égards que lui témoignaient quelques-uns de ses officiers chrétiens (*).
    (*) Ce peu d’égards consistait en ce que les chrétiens jeûnaient et priaient, au lieu de prendre part aux banquets et aux sacrifices qu’elle célébrait avec les païens : Dapibus sacrificabat pœnè quotidiè ac vicariis suis epilus exhibebat. Christiani abstinebant et illâ cum gentibus epulante,