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Gordien[1]. Avec le changement de maître, la chute de Philippe amena un nouveau système de gouvernement, si oppressif pour les chrétiens, que leur condition antérieure, depuis le temps de Domitien, paraissait un état parfait de liberté et de sécurité lorsqu’on le comparait avec le traitement rigoureux qu’ils éprouvèrent pendant le peu d’années du règne de l’empereur Dèce[2]. Les vertus de ce prince ne nous permettent pas d’imaginer qu’il ait été animé par un esprit de vengeance contre les favoris de son prédécesseur. Il est plus raisonnable de croire qu’avec le projet de rétablir en général les mœurs romaines, il voulait délivrer l’empire de ce qu’il appelait une superstition nouvelle et criminelle. Les évêques des villes les plus considérables furent enlevés à leurs troupeaux par l’exil ou par la mort. La vigilance des magistrats empêcha, pendant seize mois, le clergé de Rome de procéder à une nouvelle élection : les chrétiens disaient que l’empereur souffrirait plus patiemment dans sa capitale un compétiteur pour la pourpre, qu’un évêque[3]. S’il était possible de sup-

  1. Eusèbe, l. VI, c. 34. L’histoire, comme il est ordinaire, a été embellie par les écrivains des siècles suivans ; elle est réfutée avec une érudition très-superflue par Frédéric Spanheim. (Opera varia, t. II, p. 400.)
  2. Lactance, De mort. persec., c. 3, 4, après avoir célébré la félicité et les progrès de l’Église sous une longue suite de bons princes, il ajoute : Extitit post annos plurimos, execrabile animal, Decius, qui vexaret Ecclesiam.
  3. Eusèbe, l. VI, c. 39 ; saint Cyprien, epist. 55, Le