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ordres de son maître ; que Tibère, au lieu de s’offenser d’un pareil refus, se contenta de protéger les chrétiens contre la sévérité des lois, plusieurs années avant que ces lois eussent été portées, avant que l’Église eût pris un nom particulier, ou qu’elle eût acquis quelque consistance. Enfin nous serions forcés de croire que le souvenir de ce fait extraordinaire aurait été conservé dans des registres publics et très-authentiques, qui auraient échappé aux recherches des historiens de la Grèce et de Rome ; et qu’ils auraient été connus seulement d’un chrétien d’Afrique, qui composa son Apologétique cent soixante ans après la mort de Tibère. On prétend que l’édit de Marc-Aurèle fut l’effet de la dévotion et de la reconnaissance de ce prince pour sa délivrance miraculeuse dans la guerre des Marcomans. La situation déplorable des légions, la pluie qui tomba si à propos, la grêle, les éclairs et le tonnerre, l’effroi et la défaite des Barbares, ont été célébrés par la plume éloquente de plusieurs auteurs païens. S’il se trouvait des chrétiens dans l’armée, il était bien naturel qu’ils attachassent quelque mérite aux prières ferventes qu’ils avaient offertes, à l’instant du danger, pour leur propre conservation, et pour la sûreté publique. Mais les monumens d’airain et de marbre, les médailles des empereurs et la colonne Antonine, nous assurent aussi que ni le prince ni le peuple ne furent touchés de ce service signalé, puisqu’ils attribuèrent leur salut à la providence de Jupiter et à l’intervention de Mercure. Durant tout le cours de son règne,