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que temps : la voix de la prudence fut écoutée. Il se retira dans une solitude obscure, d’où il pouvait entretenir une correspondance suivie avec le clergé et avec le peuple de Carthage ; et se dérobant à la fureur de la tempête jusqu’à ce qu’elle fût dissipée, il conserva sa vie, sans cependant renoncer à sa réputation ni à son pouvoir. Malgré toutes ces précautions, il ne put éviter les reproches de ses ennemis personnels, qui insultaient à sa conduite, ni la censure des chrétiens plus rigides qui la déploraient. On l’accusa d’avoir manqué lâchement, et par une désertion criminelle, aux devoirs les plus sacrés[1]. Saint Cyprien allégua, pour sa justification, la nécessité de se réserver pour les besoins futurs de l’Église, l’exemple de plusieurs saints évêques[2], et les avertissemens divins, qui lui avaient souvent été communiqués, comme il le déclare lui-même, dans des visions et dans des extases[3]. Mais sa meilleure apologie est la fermeté avec laquelle, huit ans après, il souffrit la mort, en défendant la cause de la religion. L’histoire authentique de son martyre a été

  1. Voyez la lettre polie, mais sévère, écrite par le clergé de Rome à l’évêque de Carthage. (Saint Cyprien, epist. 8, 9.) Pontius met tout en œuvre, et prend les plus grands soins pour défendre son maître contre la censure générale.
  2. En particulier, l’exemple de saint Denys d’Alexandrie, et de saint Grégoire-le-Thaumaturge de Néo-Césarée. Voyez Eusèbe, Histoire ecclés., l. VI, c. 40 ; et Mémoires de Tillemont, t. IV, part. 2, p. 685.
  3. Voyez saint Cyprien, epist. 16, et sa Vie par Pontius.