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sait toujours l’alternative de la vie ou de la mort. Ce qui excitait l’indignation du magistrat, c’était moins l’offense passée que la résistance actuelle. Il croyait offrir un pardon facile à mériter, puisqu’en consentant à jeter quelques grains d’encens sur l’autel, l’accusé se retirait tranquille et approuvé. On croyait qu’un juge humain devait chercher à détromper plutôt qu’à punir ces aveugles enthousiastes. Prenant un ton différent, selon l’âge, le sexe ou la situation des prisonniers, il daignait souvent exposer à leurs yeux tout ce que la vie avait de plus agréable, tout ce que la mort avait de plus terrible ; souvent il les sollicitait, il les conjurait même d’avoir quelque compassion pour leurs personnes, pour leurs familles et pour leurs amis[1]. Si les menaces et les exhortations n’avaient aucun effet, il avait recours à la violence ; les fouets, les tortures venaient suppléer au défaut d’argumens ; et l’on employait les supplices les plus cruels pour subjuguer une opiniâtreté si inflexible, et, selon les païens, si criminelle. Les anciens apologistes du christianisme ont censuré, avec autant de sévérité que de justice, la conduite irrégulière de leurs persécuteurs, qui, contre tout principe de procédure criminelle, faisaient usage de la question pour arracher, non l’aveu, mais la dénégation du crime qui

  1. Voyez le rescrit de Trajan et la conduite de Pline. Les actes les plus authentiques des martyrs sont remplis de ces exhortations.