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ces occasions, les habitans des grandes villes de l’empire se rendaient en foule au cirque ou au théâtre : là, tous les objets qui frappaient leurs regards, toutes les cérémonies auxquelles ils assistaient, contribuaient à enflammer leur dévotion et à étouffer leur humanité. Tandis que de nombreux spectateurs, couronnés de guirlandes, parfumés d’encens, purifiés par le sang des victimes, et environnés des autels et des statues de leurs divinités tutélaires, se livraient aux plaisirs qu’ils regardaient comme une partie essentielle de leur culte religieux, ils se rappelaient que les chrétiens seuls avaient en horreur les dieux du genre humain, et que, par leur absence ou par leur sombre aspect au milieu de ces fêtes solennelles, ils semblaient insulter à la félicité publique ou ne l’envisager qu’avec peine. Si l’empire avait été affligé de quelque calamité récente, d’une peste, d’une famine ou d’une guerre malheureuse ; si le Tibre avait débordé, ou que le Nil ne se fût point élevé au-dessus de ses rives ; si la terre avait tremblé, si l’ordre des saisons avait été interrompu, les païens superstitieux se persuadaient que les crimes et l’impiété des chrétiens, qu’épargnait la douceur excessive du gouvernement, avaient enfin provoqué la justice divine. Ce n’était point au milieu d’une populace turbulente et irritée qu’il eût été possible d’observer les formes d’une procédure légale ; ce n’était point dans un amphithéâtre teint du sang des bêtes sauvages et des gladiateurs, que la voix de la pitié aurait pu se faire entendre. Les clameurs im-