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du moins pour l’honneur des premiers fidèles, les magistrats se conduisirent quelquefois avec une prudence et une modération rarement compatibles avec le zèle religieux ; et le résultat impartial de leurs recherches fut que les sectaires qui avaient abandonné le culte établi leur paraissaient sincères dans leur croyance et irréprochables dans leurs mœurs ; quoique d’un autre côté, par l’excès et par l’absurdité de leur superstition, ils pussent encourir toute la rigueur des lois[1].

Idée de la conduite des empereurs envers les chrétiens.

L’histoire, qui entreprend de rapporter les événemens passés pour l’instruction des siècles futurs, serait indigne de cet honorable emploi, si elle s’abaissait à plaider la cause des tyrans ou à justifier les maximes de la persécution. Cependant, il faut l’avouer, la conduite des empereurs qui parurent le moins favorables à la primitive Église, n’est certainement pas aussi criminelle que celle des souverains modernes, qui ont employé l’arme de la terreur et de la violence contre les opinions religieuses d’une partie de leurs sujets. Un Charles-Quint et un Louis XIV pouvaient puiser dans leurs réflexions, ou même dans leur propre cœur, une juste idée des droits de la conscience, de l’obligation de la foi, et de l’innocence de l’erreur. Mais les princes et les magistrats de l’ancienne Rome ne connaissaient

  1. Tertullien (Apologet., c. 2) s’étend sur ce témoignage public et honorable de Pline, avec beaucoup de raison et avec quelque déclamation.