Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/169

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Leurs mœurs sont calomniées.

Les précautions avec lesquelles les disciples de Jésus-Christ remplissaient les devoirs de la religion, avaient d’abord été dictées par la nécessité et par la crainte ; ce fut ensuite par choix qu’ils les employèrent. En imitant le secret auguste qui régnait dans les mystères d’Éleusis, les fidèles se flattèrent de rendre leurs institutions sacrées plus respectables aux yeux du monde païen[1]. Mais l’événement, comme il est souvent arrivé dans les opérations d’une politique subtile, trompa leurs vœux et leur attente. On conclut qu’ils cachaient seulement ce qu’ils auraient rougi de montrer. Leur fausse prudence donna lieu à des contes horribles, inventés par la malignité, et que la crédulité soupçonneuse s’empressa d’adopter. On peignait les chrétiens comme les plus scélérats de tous les hommes, qui pratiquaient dans leurs sombres retraites toutes les abominations que peut enfanter un esprit corrompu, et qui, pour obtenir la faveur de leur Dieu inconnu, sacrifiaient toutes les vertus morales. Plusieurs même prétendaient avouer ou rapporter les cérémonies de cette secte abhorrée. « Un enfant nouveau-né, entièrement couvert de farine, est présenté, disaient-ils, comme un symbole mystique d’initiation, au couteau du prosélyte qui, sans connaître la malheureuse victime de son erreur, lui porte un grand nombre de blessures secrètes et mortelles. Aussitôt que le

  1. Voyez l’Hist. ecclésiast. de Mosheim, vol. I, p. 101 ; et Spanheim, Remarques sur les Césars de Julien, p. 468, etc.