Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/137

Cette page a été validée par deux contributeurs.

long-temps après à des moines fainéans dans la solitude de leurs cloîtres[1]. Parmi toutes ces fictions sacrées, les aventures romanesques de l’apôtre saint Jacques méritent seules, par leur extravagance singulière, que l’on en fasse mention. Un pêcheur paisible du lac de Genézareth est transformé en valeureux chevalier : à la tête de la cavalerie espagnole, il charge les Maures dans plusieurs batailles. Les plus graves historiens ont célébré ses exploits. La châsse miraculeuse de Compostelle a déployé toute sa puissance ; et le tribunal terrible de l’inquisition, assisté de l’épée d’un ordre militaire, suffit pour éloigner toutes les objections d’une critique profane[2].

Au-delà des limites de l’Empire romain.

Les progrès du christianisme ne furent pas bornés à l’Empire romain ; et, selon les premiers pères, qui expliquent les faits par les prophéties, la nouvelle religion, un siècle après la mort de son divin auteur, avait déjà visité toutes les parties du globe. « Il n’existe pas, dit saint Justin martyr, un peuple, soit grec ou barbare, ou de toute autre race d’hom-

  1. Dans le quinzième siècle, il y avait peu de personnes qui eussent l’envie ou le courage de mettre en question si Joseph d’Arimathie avait fondé le monastère de Glastenbury, et si saint Denys l’aréopagite préférait le séjour de Paris à celui d’Athènes.
  2. Cette étonnante métamorphose a eu lieu dans le neuvième siècle. Voyez Mariana (Histoire d’Espagne, v. 10, 13), qui, en tout sens, imite Tite-Live, et les Mélanges du docteur Geddes, où il dévoile avec tant de bonne foi la fausseté de la légende de saint Jacques, vol. II, p. 221.