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la bannière de la croix, et dont le nombre devenait de jour en jour plus considérable. Les déclamations impérieuses de saint Cyprien nous porteraient naturellement à supposer que la doctrine de l’excommunication et de la pénitence formait la partie la plus essentielle de la religion, et que les disciples de Jésus-Christ couraient moins de dangers en négligeant d’observer les devoirs de la morale, que s’ils eussent méprisé les censures et l’autorité de leurs évêques. Tantôt nous imaginerions entendre la voix de Moïse, lorsqu’il commandait à la terre de s’ouvrir et d’engloutir dans des flammes dévorantes la race impie qui résistait au sacerdoce d’Aaron ; tantôt nous croirions voir un consul romain soutenant la majesté de la république, et déclarant sa résolution inflexible de faire exécuter les lois dans toute leur rigueur. « Si l’on souffre impunément de pareilles irrégularités (c’est ainsi que l’évêque de Carthage blâme la douceur de son collègue), c’en est fait de la vigueur épiscopale[1] ; c’en est fait de la puissance sublime et divine qui gouverne l’Église ; c’en est fait même du christianisme. » Saint Cyprien avait renoncé à ces honneurs temporels, que, probablement, il n’aurait jamais obtenus[2] ; mais l’acquisition d’une autorité

  1. Saint Cyprien, Epist., 69.
  2. Cette supposition paraît peu fondée ; la naissance et les talens de saint Cyprien doivent faire présumer le contraire : Thascius Cocilius Cyprianus carthaginensis, artis oratoriæ professione clarus, magnam sibi gloriam, opes, honores acquisivit, epularibus cænis et largis dapibus assuetus,