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donna le signal du départ, ce ne fut qu’avec quelque peine qu’il put engager ses vétérans à ne pas déserter un étendard qui les avait menés tant de fois à l’honneur et à la victoire. Un auteur contemporain attribue le peu de succès de cette expédition à deux autres causes ; mais elles ne sont point de nature à pouvoir être raisonnablement adoptées. Galère, dit-on, d’après les villes de l’Orient qu’il connaissait, s’était formé une idée fort imparfaite de la grandeur de Rome ; et il ne se trouva pas en état d’entreprendre le siége de l’immense capitale de l’empire. Mais l’étendue d’une place ne sert qu’à la rendre plus accessible à l’ennemi. Depuis long-temps Rome était accoutumée à se soumettre dès qu’un vainqueur s’approchait de ses murs ; et l’enthousiasme passager du peuple aurait bientôt échoué contre la discipline et la valeur des légions. On prétend aussi que les soldats eux-mêmes furent frappés d’horreur et de remords, et que ces enfans de la république, plein de respect pour leur antique mère, refusèrent d’en violer la sainteté[1]. Mais lorsqu’on se rappelle avec quelle facilité l’esprit de parti et l’habitude de l’obéissance militaire avaient, dans les anciennes guerres, armé les citoyens contre Rome, et les avaient rendus ses ennemis les plus

  1. Lactance, De mort. persec., c. 28. La première de ces raisons est probablement prise de Virgile, lorsqu’il fait dire à un de ses bergers :

    Illam ego huic nostræ similem, Mœlibœe, putavi, etc.

    Lactance aime ces allusions poétiques.