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théâtre de l’action, il est aisé de découvrir à cet échec une cause différente. Le même terrain où Galère fut vaincu avait été célèbre par la mort de Crassus, et par le massacre de dix légions. C’était une plaine de plus de soixante milles, qui, s’étendant depuis la hauteur de Carrhes jusqu’à l’Euphrate, présentait une surface unie et stérile de déserts sablonneux, sans une seule éminence, sans un seul arbre, sans une source d’eau fraîche[1]. L’infanterie pesante des Romains, accablée par la chaleur, éternellement tourmentée de la soif, ne pouvait espérer de vaincre en conservant ses rangs, ni rompre ses rangs, sans s’exposer aux plus grands périls. Dans cette extrémité, elle fut successivement environnée de troupes supérieures en nombre, harassée par les évolutions rapides de la cavalerie des Barbares, et détruite par leurs flèches redoutables. Le roi d’Arménie avait signalé sa valeur sur le champ de bataille, et s’était couvert de gloire au milieu des malheurs publics. Il fut poursuivi jusqu’aux bords de l’Euphrate. Son cheval était blessé, et il ne paraissait pas pouvoir échapper à un ennemi victorieux. Aussitôt Tiridate embrasse le seul parti qui lui reste à prendre : il met pied à terre, et s’élance dans le fleuve. Son armure

    Victor et Orose, rapportent tous cette dernière et grande bataille ; mais Orose est le seul qui parle des deux premières.

  1. On voit une belle description de la nature du pays dans Plutarque, Vie de Crassus, et dans Xénophon, au premier livre de la Retraite des dix mille.